Ballon d’Or : un trophée qui ne veut plus rien dire

par

Hier, c’est un Ribéry bien plus que déçu qui a quitté la cérémonie de remise du Ballon d’Or 2013. Le milieu bavarois était visiblement très marqué, et est parti sans le moindre mot pour les journalistes. On imagine l’immense détresse que devait être la sienne, hier soir. Notamment au vu des déclarations qu’ont été les siennes, au cours de ces derniers mois.

Bien sûr j’y crois. L’année dernière j’ai fait ce qu’il fallait sur le terrain et en dehors, j’étais très pro, je me suis éclaté avec mon équipe, pris beaucoup de plaisir, je suis en pleine confiance.

Je le mérite. Il y a ce que je fais sur le terrain, ce que j’ai fait pour revenir à mon meilleur niveau, mon professionnalisme au quotidien, les trophées que j’ai gagnés. Je suis très constant. Où mettrais-je le Ballon d’Or ? Au-dessus de ma cheminée, dans le salon. Ma femme a tout préparé. J’essaye de ne pas y penser, mais elle y pense beaucoup, elle. Elle y croit énormément. Au Bayern, tout le monde estime que je dois le gagner.

Je suis très confiant, je pense vraiment le gagner. Il ne faut pas se baser sur les statistiques, car mon style de jeu est différent (…). Bien sûr, si je ne le gagne pas, ce serait une immense déception.

69 buts contre six trophées

Il faut dire que l’international avait toutes les chances d’y croire. En 2013, il a remporté la Bundesliga, la Coupe d’Allemagne, la Champion’s League, la Supercoupe d’Allemagne, la Supercoupe de l’UEFA et le Mondial des Clubs. Autant dire toutes les compétitions dans lesquelles il était engagé. Quand on sait que le palmarès de la saison est censé, au regard des paramètres d’attribution, compter autant que les performances individuelles, on était en droit de penser la même chose.

Mais aujourd’hui, la suprématie Messi semble avoir totalement évincé ces différents critères, au profit des performances individuelles. Alors on est en droit de s’interroger. Certes, l’Argentin, comme le Portugais, est pétri de talent? Mais si celui-ci ne suffit pas à faire pencher la balance en la faveur de son équipe, et ainsi lui faire remporter des trophées, est-ce vraiment ce qu’il y a de plus important dans le football? Plus simplement, est-ce que le foot c’est marquer des buts, et ne rien gagner? Car en 2013, si Ronaldo a inscrit 59 buts en 69 matches, son palmarès est resté nul et vierge. C’est donc bien plus que Ribéry et ses réalisations. Mais lui a remporté six trophées supplémentaires.

La personnalité du joueur

D’autres critères entrent également en ligne de compte. C’est notamment le cas de l’exemplarité, tant sur qu’en dehors du terrain. Là aussi, dans ce domaine, il est difficile de comprendre comment le Français a pu terminer derrière la star du Real. D’une part, Ronaldo incarne aujourd’hui, à lui seul, ce qu’on appelle le foot business, et toutes ses dérives. Certes, il n’est pas responsable d’avoir été acheté 94 millions d’euros par les dirigeants de la Casa Blanca. Mais c’est tout de même lui qui met régulièrement la pression sur ses dirigeants, comme il a si bien su le faire l’été dernier (profitant notamment de l’intérêt du Paris-Saint-Germain et de ses arguments financiers de poids), pour négocier de juteux contrats. Ce qui en fait d’ailleurs aujourd’hui le joueur le mieux payé au monde. CR7 pèse 20 millions d’euros annuels, sans compter le pourcentage qu’il touche sur ses droits d’image, ni ses nombreux contrats publicitaires.

D’autre part, Ribéry a mûri avec le temps. Il n’est plus celui qui « victimisait » Yoann Gourcuff en Equipe de France, ou que l’on pinçait dans les draps de Zahia. Ses déclaration d’après-match, hormis concernant le Ballon d’Or évidemment, mettent désormais toujours en avant le collectif, et ses coéquipiers. Faut-il rappeler que celui que l’on annonçait comme son principal concurrent, dans la course au trophée, déclarait récemment :

Je me sens mal seulement quand je joue mal, heureusement, cela arrive rarement.

Je suis le premier, le deuxième et le troisième meilleur joueur du monde.

Ribéry, Ballon d’Or des journalistes

Pour le milieu du Bayern Munich, c’était donc l’année ou jamais. Mais les sélectionneurs et capitaines de sélection en ont décidé autrement. Car auprès des journalistes, Ribéry a bien terminé en tête des votes, avec 40,6% des votes, loin devant Cristiano Ronaldo et ses 30,8%. Trois ans auparavant, le natif de Boulogne-sur-Mer aurait donc réalisé son rêve le plus cher. En effet, en 2010, le système des votes a été modifié. Jusque là, seuls les journalistes votaient.

Désormais, et comme il l’a été dit précédemment, les sélectionneurs et capitaines d’équipes nationales ont également leur mot à dire. Et on peut s’interroger sur le légitimité d’une telle décision. En effet, quel crédit accorder à ces derniers? Si un de leur coéquipier en club fait partie des finalistes, il est quasi-systématique qu’il vote pour lui. D’autres, nombreux, votent pour leurs partenaires en sélection (Pirlo numéro un pour Buffon, Robben pour Van Persie etc…). Dès lors, les résultats s’en trouvent faussés. Enfin, de nombreux représentants de petites nations, très éloignés de la sphère footballistique européenne, choisissent irrémédiablement les joueurs qui ont chez eux la plus forte influence médiatique médiatique. Or, on connaît l’importance du lobbying exercé par le Real Madrid, en Asie.

Ainsi, et c’est bien dommageable, l’élection du pseudo-meilleur joueur de la planète a perdu tout crédit. Pathétique, quand on connaît l’ampleur médiatique de l’événement. Et ce n’est pas Michel Platini, président de l’UEFA, qui prétendra le contraire.

Si un Espagnol ne le gagne pas en 2010 et que Franck ne le gagne pas cette année alors qu’il a tout gagné, c’est qu’il y a un petit problème(…). L’année prochaine, on aura encore Ronaldo ou Messi. Et dans deux ans Messi ou Ronaldo. Pendant 50 ans, le Ballon d’Or a tenu compte du palmarès sur le terrain. Là, c’est plutôt basé sur la performance globale des joueurs. Même si Ronaldo est un très grand Ballon d’Or, il y a un petit quelque chose qui a changé depuis qu’il est passé à la FIFA.